PROVINCE DE CONSTANTINE
ZIÂMA.
Ruines du Choba municipium(1).
Dans le golfe de Bougie, à 45 kilomètres environ de cette ville et à une distance à peu près égale de Gigeli (Djidjel), on trouve, sur un petitpromontoire élevé de 10 à 15 mètres au-dessus de L’embouchure de larivière des Beni-Segoual (Oued-Djermouna) des ruines romaines assez remarquables. Cet endroit s’appelle Ziama.
On y observe les restes d’un mur d’enceinte qui annonce une villeassez importante, des pierres de taille disséminées çà et là, des colonnes encore debout, des, chapitaux corinthiens renversés et les débris d’on édi-?ce qui sert aujourd’hui d’étable.
Le rempart, assez bien conservé, a toute la longueur du plateau où il s’élève, c’est-à-dire 350 mètres environ. Il est haut de 4 m. et est renforcé intérieurement de pieds droits, reliés entre eux par des arceaux. Des demi-tour elles le ? anquent de distance en distance, présentant la partie ronde à l’extérieur. Cette enceinte encadrait une ville qui pouvait avoir une superficie de 16 hectares.
A quatre kilomètres environ et à l’est de Ziama, on trouve, un antre amas de ruines assez considérable, mais qui, ne présente aucun indice d’un rempart. L’endroit porte le nom de Mansourïa.
Ziama, l’établissement principal, est le siège de l’autorité du lieu. Le caïd y a fait élection de domicile dans un mauvais gourbi pour la construction duquel il a mis à contribution quelques-uns des matériaux antiques qui l’entourent.
J’ai recueilli en cet endroit ces deux inscriptions (2):
1°
DIS MANIB.
C. VIBIO PHAE
DRO ET VIBIAE
OVINIAE CON
IVGI PARENTIB
PISSIMIS PO
SVIT VIBIA APHRO
DISIA FILIA
2°.
IMP. CAES. L. SEPTIMIO SEVERO PIO
PERTINACE (sic) AVG. BALNEAE MVNICIPVM
MVNICIPII AELI1 CHOBAE PP. FACTAE
DEDICANTIBUS FABIO M. FIL. QVIR
VICTORE M. AEM. FIL. ARN. HONO
RATO II VIRUS A. P. CLVII,
La pierre sur laquelle j’ai estampé la deuxième inscription forme aujourd’hui un des chambranles de la porte du gourbi du caïd. Il serait à désirer qu’on la transportât à Bougie ou à Constantine.
En dehors de l’enceinte de cette ville, la nécropole romaine offre des débris de tombeaux et des vestiges de monuments en rapport avec ce lieu funéraire. La plupart des sépultures sont très-modestes. Ce sont des espèces de grandes auges, dont le plan trace un carré long arrondi sur un de ses petits côtés. Par une disposition assez curieuse, ces tombes sont accouplées par deux et même davantage. Sur le point culminant de ce cimetière antique, on observe un monument tumulaire de cinq mètres de côté. Il est jonché de pierres et de restes de sculptures provenant de sarcophages.
Tout cela a déjà été remué, altéré par des mains inhabiles, ainsi que le témoigne la position d’un sarcophage que j’ai trouvé placé sur un rouleau destiné à le faire glisser sur le rampant des talus, pour l’employer à je ne sais quel usage.
Après avoir exploré les ruines de Ziama, autant que la pluie qui tombait avec force m’a permis de le faire, je me suis dirigé à l’Est sur l’autre emplacement antique dont j’ai parlé précédemment et qui porte le nom de Mansourïa. Il est également situé sur une langue de terre qui s’avance dans la mer. On y remarque des restes d’édifices, des chapiteaux renversés, mais pas de remparts, comme je l’ai déjà fait observer.
La mer baigne le pied du plateau à 15 mètres au-dessus du sol des ruines. Il y a là une crique fermée au Nord par des récifs qu’on passe à gué en temps calme ; et en face, à l’Est par une haute colline boisée où les Cabiles font paître leurs chèvres. Du côté de Gigeli, la passe est ouverte ; le tout constitue un petit port de 300 mètres d’ouverture sur 400 mètres, dont le fond présente des profondeurs de plus de 5 mètres.
Cet établissement antique a dû avoir de l’importance, car le pays est arrosé par une rivière intarissable qui descend des montagnes des Beni-Segoual. C’est, dit-on, le point du littoral le plus rapproché de Sétif. Sur toute la route que j’ai suivie pour venir de Bougie à ces ruines, j’ai trouvé fréquemment des restes de postes et de centres de population.
PELLETIER.— Inspecteur des Bâtiments à Bougie
La notice qu’on vient de lire présente d’autant plus d’intérêt que Ziama est un des points les moins visités de l’Algérie.
La colonne du Général de St-Arnaud, partie de Ziama, le 9 mai 1851, séjourna, il est vrai, le 12 et le 13 juin à Ziama ; mais on se contenta alors de prendre des copies et non des estampages des deux inscriptions qui se trouvaient en cet endroit. C’est probablement par suite d’une lecture vicieuse de la seconde que s’est formée l’opinion que ce document épigraphique mentionnait deux villes, Balneae muni-cipium et Choba.
Cette opinion, reproduite par la presse de la métropole ne soutient pas l’examen et tombe d’elle-même devant la rectification du texte que nous avons pu faire facilement, au moyen de l’estampage pris par M. Pelletier.
Ziama est toujours habité exclusivement par les Cabiles, bien qu’on ait pu croire un moment que l’élément européen allait y prendre racine, pour utiliser les bancs de corail d’une grande fécondité qu’un rapport officiel signale en cet endroit et qui, au mois d’août 1851, avaient déjà été l’objet d’un commencement. d’exploitation. (Voir : Rapport sur les Opérations militaires da printemps de 1851, page 59.)
L’inscription n° 2, détermine à la fois, le nom antique de Ziama et l’orthographe de ce nom, qui se rencontrait sous les formes Coba, Cobo, Chobat et Chobadans les anciens documents. Elle nous apprend aussi que ce municipe prenait le surnom d’Aelius, peut-être en l’honneur de l’empereur Hadrien. Mais en mesurant sur les cartes modernes réputées les meilleures, la distance indiquée entre Choba et Salde (Bougie), on ne trouve que 45 kilomètres, tandis que Ptolémée, l’Itinéraire el, la carte Peutingérienne comptent de 55 à 57 miles, ou plus de 80 kilomètres. On ne peut se tirer de cette grande difficulté, qu’en supposant que les Romains, pour quelque raison politique et stratégique, faisaient passer leur route dans l’intérieur, ce qui l’aurait allongée en raison de la grandeur du détour obligé. C’est ainsi qu’une voie romaine de Salde (Bougie) à Igilgili ) (Gigeli) fait un coude très-prononcé sur Sétif et présente un développement de 159 milles, soit un tiers de plus que celui qui mit été nécessaire, si l’on avait suivi la ligne droite et naturelle.Cependant, la présence de Muslubio, localité intermédiaire entre Salde et Choba, sur la ligne maritime, dans l’Itinéraire et dans la carte de Peutinger, constitue une objection fort grave contre la solution proposée
En somme, c’est une question qui reste à l’étude., Comme nous déduisons le texte des deux inscriptions de Ziama, de l’estampage de M. Pelletier, la responsabilité de la lecture repose sur nous seuls et notre correspondant reste tout-à-fait en dehors des fautes que nous pourrions avoir commises, Voici comment nous développons et nous traduisons ces deux documents épigraphiques :
« Aux dieux mânes. A Caïus Vibius Phوdrus et à Vibia Ovinia, son épouse, Vibia Apbrodisia, leur fille, a élevé ce monument. »
On remarquera ici que, contre l’ordinaire, l’âge des défunts n’est pas indiqué.
2.
Imperatori Caesari Lucio Septimi Severo pio pertinaci Augusto. Balneae municipum — Municipii Aelii Chobœ pecunia publica factœ ; — dedicantibus Fabio, Merci filio, Quirina, Victore ; Marco, AEmilii filio, Arniensi, Honorato,— duumviris. Anno provinciae 157.
« A l’empereur César Lucius Septimius Severus, pieux, surnommé Pertinax, Auguste. Bains des citoyens libres du municipe d’AElius-Choba, construits aux frais du public et dédiés par Fabius, fils de Marcus, de la tribu Quirina, surnommé Victor ; et par Marcus, fils d'AEmilius de la tribu
Arnienne, surnommé Honoratus, tous deux duumvirs, en l’an de la Province 157. »
La date qui termine cette inscription répond à l’année 197-198 de J.-Ch. C’est l’époque où Septime Sévère, débarrassé de ses rivaux Pescennius Niger et Albin, restait seul maître de l’empire. Le Moment du triomphe est naturellement celui des hommages ; et les citoyens libres de Choba n’auront pas voulu laisser échapper cette occasion de saluer le soleil levant.==>Note de la Rédaction
(1) Cette communication de notre correspondant de Bougie ne nous étant par-venue que lorsque la 1ère partie de la Revue était déjà composée, nous lui donnons place dans la Chronique pour ne pas être obligé de retarder de deux mois son insertion. — N. de la R.
(2) On en trouve l’explication dans la note jointe à cette communication. Nous donnons les textes d’après les estampages de M Pelletier. —N. de la R